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Wanegaine Tching Tchong

Trafic

7 Novembre 2011 , Rédigé par Battì Publié dans #Yangzhou, #Vie quotidienne

« Le trafic chinois peut vous sembler terrifiant... »

C’était l’intro d’un paragraphe du petit manuel pratique à l’attention du personnel étranger. On m’en avait parlé avant, dès mon arrivée. « Holalà, fais bien gaffe, c’est dangereux », machin tout ça.

Mneheuheu !

(c’est un rire contenu et suffisant)

 

Oui, parce que bon, comme vous le savez, par le passé j’ai été un urbain en Inde. Donc question trafic de malade, sans me vanter, j’en ai vu. Alors leurs avertissements, pfff ! Vas-y c’est bon, laisse tomber.

Totalement détendu, archi relax, je me suis acheté un vélo, et c’est d’un coup de pédale serein que j’ai intégré la circulation. Non, mais voilà quoi, faut pas déconner : c’est de la rigolade. Ok, ils font la grève du clignotant et sont amateurs de queues de poissons, mais pour le baroudeur façon mézigue, c’est de la rigolade.

 

Que je disais.

 

Appréciant le paysage, zieutant à la dérobée les cuisses découvertes des jolies cyclistes en jupe, roi de la piste cyclable géante, j’allais tranquillou vers je ne sais quelle destination. Puis j’ai dû tourner, sur ma droite. Et tandis que ma trajectoire se modifiait sensiblement, je fus frôlé par un bolide aussi rapide que silencieux. Le machin avait failli me happer le bras et la roue avant. Surpris et effrayé, je mis un coup de guidon à gauche, me retrouvais en pleine trajectoire d’une espèce de grosse charrette motorisée. Moi déséquilibré, le gars en face surpris, nous avons freiné de toutes nos forces. Mais il n’avait pas de frein, ou très peu. Et moi non plus. Et lamentablement, à 3 km/h, nous nous percutâmes comme deux gros nazes.

Le gars me regarde d’un air impassible, et repart. Moi, du regard je cherche le drone qui était à l’origine de l’accrochage. Non parce qu’il n’y a guère que les drones qui soient si rapides et silencieux.

 

Que je croyais.

 

Hé ben non, mon con ! Il y a aussi les chinois. Parce que l’image historique des nuées de camarades en bicyclettes, elle date copieusement. Il est fini, le temps des prolétaires en bleu de Chine se rendant à l’usine sur leurs jolis vélos. Les chinois ne sont pas plus cons que nous : ils n’aiment pas pédaler. Aussi, je ne sais quel criminel contre l’humanité a inventé le vélo électrique. D’aspect, ça ressemble aux vélos pliables. D’ailleurs ça l’est parfois. Sauf qu’entre la selle et la roue arrière,  un infâme sadique routier a lieu l’idée d’installer une batterie. Résultat : des fusées montées sur roues et aussi bruyantes que le vol du colibri.

 

china lithium electric bicycle manufacturer-2

L'abomination-type.

 

 

Ainsi donc, flâner sur les pistes cyclables de Yangzhou revient à se balader sur un champ de tir. Les projectiles fusent, ils arrivent de toutes les directions, et si vous les entendez, c’est qu’il est déjà trop tard.

L’horreur.

 

Et puis il y a autre chose. Le trafic n’est pas particulièrement dense, à Yangzhou. Ça peut éventuellement bouchonner aux heures de pointe, mais rien de bien méchant. Or, que se passe-t-il quand le trafic n’est pas trop dense ? Il y a de la place. Et comme il y a de la place, on y voit loin. Et comme on y voit loin, bah c’est pas dangereux de prendre un sens interdit. Donc on en prend. « Je fais gaffe, les gens en face aussi, c’est bon ça risque rien, détends-toi ! » Nouveauté pour moi : en Inde, on ne pouvait pas prendre de sens interdits sous peine d’être transformé en steak tartare dans la minute. Ici il faut donc conduire comme en rallye : les yeux posés sur le point de la route le plus lointain. Ce qui ne poserait pas de souci si les piétons ne débaroulaient pas en plein milieu de la route sans un coup d’œil sur ce qui pourrait éventuellement arriver. Sans parler des automobilistes qui se garent et ouvrent leur portière sans penser que ça pourrait provoquer un cataclysme. Hier, j’ai failli terminer dans le vide poche d’une énorme Buick dont le conducteur s’était garé et avait fumé sa clope avant de descendre.

Donc c’est génial : on est accaparé par les OPR (Obstacles du Périmètre Réduit) et on n’a pas le loisir de jeter un œil à l’horizon pour se préparer à l’approche des CSI (Connards en Sens Inverse).

 

Bon, je l’avoue, j’en rajoute un peu dans le registre « pauvre petite victime occidentale ». Depuis mon année de formation au Indian National Driving Institute (INDI), qui a elle-même fait suite à une année au service des livraisons d’une grande enseigne d’Ajaccio, je suis capable de me transformer en fléau routier. J’ai développé un tel éventail de conduites que quand je mets mon curseur au maximum, les chinois s’écartent sur mon passage en poussant des hurlements d’effroi. Le pire, c’est quand la circulation se densifie et se bloque. Là je réactive mes réflexes indiens, et je deviens un hooligan de la bicyclette. Cependant il m’a fallu un temps d’observation car dans le chaos, les chinois ne fonctionnent pas comme les indiens. Il a fallu que j’adapte. Quand les habitants d’Ajmer prenaient un soin particulier à ne jamais rester immobiles, mes concitoyens de Yangzhou ont une nette propension à s’entasser et rester comme des neuneus à attendre que ça passe. Surtout qu’ici on ne se rentre pas dedans aussi innocemment qu’en Inde. Il faut y aller un peu plus en finesse.

Mais bon, aujourd’hui j’ai pris le pli. Je me suis fait respecter et les gens du quartier m’ont baptisé l’Aigle de la Route. Enfin pas tous, il y en a aussi qui m’appellent le Gros Con.

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F
<br /> J'ai presque autant rigolé en lisant cet article qu'à la lecture de ton récit de slalom en vélo sur les routes indiennes ! Mais je dois avouer que l'éléphant l'emporte sur le vélo électrique.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> Faut avouer : y a pas photo.<br /> <br /> <br /> <br />