Puluomixiusi
La semaine dernière, un de mes étudiants m'a invité à une calcination.
Une calcination, franchement, entre nous, ça se refuse pas.
Vous auriez fait comme moi, vous auriez accepté sans hésiter. Renseignements pris, j'ai capté qu'il s’agissait d'un barbecue, pas d'un holocauste à la gloire de Zeus. Je me disais bien que c'était louche, des chinois qui vénèrent les dieux de l'Olympe. C'était pas net. En fait, l'invitation que j'avais reçue avait été rédigé à l'aide d'un traducteur automatique.
Soit dit en passant, ces stupides programmes de traduction peuvent pondre d'authentiques chefs d’œuvre surréalistes. J'en sais quelque chose, je reçois des tas d'emails traduits automatiquement, par des étudiants peu sûrs d'eux, ou pas des administratifs qui croient me faire plaisir en s'adressant à moi en français. Parfois, c'est... cosmique.
J'ai rejoint la compagnie de jeunots qui m'avaient convié. Il s'agissait en l’occurrence des membres du club de ping-pong. Vu que je suis membre aussi, bah je participe aux activités péripongistes. Comme les calcinations, par exemple.
Alors au début, je me disais que ce serait un simple barbec', juste l'occase de grignoter en devisant gaiement en chenglish sous le doux soleil de l'hiver tropical.
Et pouf ! surprise.
V'là t-y pas qu'on sort une bêche, et qu'on creuse.
Et qu'on excave des mottes de terre qu'on empile.
Émerveillé, je me demandais : « Qu'est-ce que c'est encore que ce merdier ? »
Ni une ni deux, mes camarades se lançaient dans la conception d'un four. Un four en mottes. The clump oven (c'est pour les lecteurs anglophones qui seraient en panne de traducteur automatique).
Les gars s'affairent. Je ne comprends à rien à ce qu'ils font. Je suis tenté d'intervenir pour pointer des défauts, mais en réalité je suis bien infoutu de dire s'ils s'y prennent bien ou mal. J'opte donc un silence plein de sagesse.
D'ailleurs on me signale que plutôt que de rien foutre, je pourrais éventuellement me rendre utile en allant glaner du bois.
Je m'exécute.
Au bord de la route.
Bois mort à foison !
Il y a une famille, pas loin dans le même champs. Leur four a de la gueule.
Le nôtre ne ressemble à rien.
Je sens que je suis encore bien tombé...
Arrive ensuite le moment de l'allumage. Avec des herbes sèches et du bois mort, c'est un jeu d'enfant, ça prend extrêmement vite.
Je comprends désormais que l'agencement apparemment péteux des mottes de terre est en fait nécessaire : les trous permettent l'aération du foyer. Ça brule très fort.
Avec la montée de la température, on voit les mottes supérieures changer de couleur. Elles noircissent, évidemment, mais elles rougissent aussi.
À côté, une autre famille s'est installée. Le mec en charge du four a l'air de sacrément gérer (The guy in charge of the oven air damn manage).
Puis vient le moment de cuire.
Et là, c'est une nouvelle surprise. Après avoir enfourné légumes et viande (dans notre cas, patates douces, épis de maïs et dinde), on casse tout ! A deux ou trois, on se place autour de l'ouvrage, on saisit une motte du bas, on se synchronise, un deux trois, on tire un coup sec, et tout s'effondre. Et là dessus, on cogne sur le tas de mottes fumant pour tout concasser.
Il reste un tas de terre qui fume. (There is still a lot of land that smokes)
Et on attend.
Puis vient le moment de déterrer la bectance. Là ! une patate ! Aïe aïe ouille putain c'est chaud ! Chacun veut participer, poussé par ses crampes d'estomac. C'est un instant de joyeux bazar. Et de brulures légères.
Et quand plusieurs fournées sont prévues, bah il faut construire plusieurs fours.
Pour nous, ce sera trois.
La bectance sort parfaitement cuite. De façon irrégulière, mais c'est assez plaisant, en fait. Début de l'ouvrage à 15 h, batissages, cuissons, mangeages successifs jusqu’à 22h. Un pleine journée au grand air.
Il fait frisquet, mais on se chauffe à la flamme. C'est trop classe.
Et si vous vous posiez la question : oui, les chinois aussi sont hypnotisés par le feu.
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